Egzoteric Charles

« Peintures musicales et musiques picturales » Dans son ouvrage Regards sur le passé (1912-1922), le peintre Wassily Kandinsky (1866-1944) affirme que c’est en écoutant l’opéra Lohengrin du compositeur allemand Richard Wagner qu’il a vu danser devant lui les lignes et les couleurs pour la première fois, en ayant la révélation de l’abstraction. Lié par une forte amitié au compositeur Arnold Schonberg, Kandinsky constate une parenté étroite entre l’oeuvre musicale de ce dernier et ses propres tableaux, en comprennant, au tout début du XXè siècle, jusqu’à quel point la musique peut aider la peinture à avoir son propre langage. Quelques décennies plus tard, c’est le peintre hollandais Piet Mondrian (1872-1944) qui poursuit ses réflexions « musico-picturales » du père de l’abstraction. Arrivé à New-york en 1940 pour fuir la guerre qui éclatait en Europe, Mondrian matérialise en effet dans ses dernieres toiles les symphonies et les rythmes soutenus des salles de bal de la métropole américaine, comme nous le témoigne la composition de son oeuvre Broadway Boogie Woogie (1942-1943), véritable mise en forme d’une composition musicale abstraite. C’est dans la lignée des réflexions sur le rapport intime et etroit entre art et musique que s’inscrit le travail de Eric Charles alias EGZO, dont l’oeuvre picturale a comme point de départ l’univers de la musique. Si Mondrian peignait au rythme du Boogie woogie, ce sont les sonorités hip hop qui inspirent le processus créatif de cet artiste parisien qui a grandit aux Antilles. Pour EGZO, au départ, « tout est musique ». C’est d’ailleurs elle la premiere à surgir dans l’imagination de l’artiste. Toutefois, rapidement les notes laissent la place aux lignes et aux couleurs materialisant sur la toile les mouvements rythmiques et sonores qui étaient restés jusque la a l’intérieur de l’artiste. L’impression musicale et l’improvisation picturale aboutissent enfin dans la composition des boites « xo[beat]box ». Après avoir pris en photo ses propres toiles, ou celles d’artistes faisant partie de son entourage mais aussi bien de son imaginaire, tels que Kandinsky, Picasso, Keith Haring ou Jean michel Basquiat , EGZO transpose ces dernières, à travers la technique mixte du collage, incluant la peinture et le dessin des paquets de cigarettes vides, donnés par des amis ou retrouvés dans la rue. Ces objets de consommation banals, symboles d’un des plus grands vices de la société contemporaine, sont ainsi détournés par l’artiste qui, en suivant une démarche pop, prive les paquets de leur fonction d’origine, en donnant à ces derniers un statut esthétique. C’est en ouvrant les boites « xo[beat]box » , véritables peintures tridimensionnelles, qu’on arrive à mieux cerner la véritable nature de l’oeuvre d’EGZO, ainsi que son caractère circulaire et cyclique. En effet, à l’intérieur, le spectateur trouvera un code (QR) qui, après avoir été scanné et lu par l’application spécifique, permettra d’écouter directement sur son propre téléphone portable un « beat » ou rythme musical composé par l’artiste lui-meme, à l’origine du processus de création de la « box » ou boite en question. Dans l’oeuvre « a spirale » d’EGZO, la musique est donc, aussi bien le point de départ que celui d’arrivée du spectateur, lequel chemin a comme étape intermédiaire la peinture, avec sa matière, ses lignes, ses courbes et ses couleurs. Inspirées par la le rythme et la texture de la musique, les boites « xo[beat]box » sont à la fois une « peinture musicale » interrogeant la tradition de la peinture bidimensionnelle, et les portails d’accès à la réalité virtuelle de la musique digitale crée par l’artiste. Evocation de l’ « oeuvre d’art totale », théorisée à plusieurs reprises au XXè siècle, les « xo[beat]box » participent à la démolition du « mur » évoqué par Kandinsky dans son Point et ligne sur plan (1926): « il n’y a que peu d’années que la encore on commencait à démolir un mur. Ce mur séparait jusqu’alors deux domaines de l’art: la peinture et la musique. »

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